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Robert PASCAL (1913-1940) Mort pour la
France le 8 Juin 1940 |
Début juin, la situation des armées françaises est désespérée : elles sont seules à poursuivre le combat. Les Hollandais ont capitulé
le 15 mai et les Belges le 28. Dunkerque est tombée le 4 Juin : il n'y a plus de soldats anglais sur la continent. Dans le Nord et dans l'Est, les meilleures divisions sont prises au piège. Seules quarante divisions d'infanterie ont survécu au désastre en se repliant in extremis, abandonnant sur place une partie du matériel. On réorganise ces troupes en un nouveau front sur les rives sud de la Somme et de l'Aisne, qui tient tant bien que mal depuis la fin mai. Les soldats français sont conscients des enjeux, animés par un patriotisme viscéral et décidés à s'accrocher
au terrain, malgré l'absence de l'aviation et de l'artillerie antiaérienne. En cette heure décisive, ils défendent seuls la liberté du monde. Rien n'est perdu pourtant, et l'on va résister sur place, sans esprit de recul,
jusqu'à l'arrivée de renforts prévue pour le 15 : des morceaux d'armées rescapés du désastre des Flandres vont débarquer à Cherbourg et venir consolider le dispositif. |
Le général Weygand organise la défense en de multiples
points d'appui, capables de riposter dans toutes les directions. Ces centres de résistance, très espacés, sont situés dans les villages et les bosquets, qui offrent contre la progression des chars, des obstacles naturels. Ces localités ont été évacuées dans la dernière semaine de mai et les unités y ont établi leur cantonnement. Entre ces points forts, il n'y a rien, ni tranchée, ni fossé, ni même terrain miné. Derrière cette ligne discontinue, rien non plus, sauf les positions d'artillerie à trois ou quatre kilomètres à l'arrière des localités tenues par l'infanterie. Cette organisation de la ligne de défense était la seule possible : il n'y avait plus assez d'hommes pour tenir un front continu. Le village fortifié est le pilier de la défense, les tirs de barrage des 155 étant censés arrêter les chars.
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Les Allemands
se hâtent d'empêcher cette réorganisation. Ils veulent en
finir le plus vite possible avec ce qui reste de l'armée
française, et sceller la victoire en investissant Paris dans les meilleurs délais. Ils redoutent une nouvelle bataille de la Marne. Ils peuvent maintenant donner
l'assaut final sans crainte d'être pris à revers : Dunkerque est tombée la veille. Le rapport des forces leur est très favorable : ils sont deux fois plus nombreux que leurs adversaires et ils ont en plus la totale maîtrise du ciel. Ils attaquent donc en force dès le mercredi
5 juin à l'aube, avec 138 divisions et dans trois directions : Dijon, Rouen et Paris. Le dernier obstacle : les villages fortifiés. Truffés
de canons de 75 utilisés en pièces antichars, soutenus par l'artillerie lourde, ces hérissons
résistent vigoureusement aux premiers assauts.
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Les combats sont brefs, mais très meurtriers. À deux heures du matin, l'artillerie lourde se déchaîne, déclenchant un vacarme assourdissant. À l'aube, les soldats, hébétés et nerveusement épuisés par le fracas des bombes et les hurlements des blessés, affrontent les premiers chars qui attaquent par groupe de cinq, pour sonder les défenses. L'ennemi est contenu, et les chars se détournent des centres de résistance, pour se déployer à l'arrière du front, s'en prenant aux batteries d'artillerie, aux colonnes de ravitaillement, aux lignes de communication et aux postes de commandement. Ils plongent à l'intérieur du système de défense sans rencontrer de résistance à la vitesse de 40 km/heure. Dans le même temps, les bombardiers interviennent
massivement sur les villages fortifiés. Les Stukas
et les Bf 109, qui règnent dans les airs, déclenchent l'enfer
au sol. Guidée par les avions d'observation, l'artillerie est d'une efficacité redoutable. Des régiments
entiers sont pulvérisés. C'est "le hachoir", qu'évoquaient en 1916 les combattants de Verdun; il n'y a que deux façons d'en sortir : mort ou fou.
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Le cent-neuvième régiment d'infanterie tient le secteur de Beuvraignes, au sud de Roye, sur la route
de Paris. Les soldats défendent leur position, avec l'appui des seuls blindés, qui se battent à un contre quatre, et de quelques canons antichars de 25 et de 47. Pendant deux jours, ils subissent les
bombardements aériens massifs et le pilonnage de l'artillerie lourde. Le vendredi 7 juin, l'assaut final est donné : des dizaines de blindés encerclent leurs positions et s'engouffrent bientôt dans
les brèches, semant l'épouvante chez les survivants. L'infanterie motorisée intervient ensuite pour neutraliser les derniers défenseurs. Enfin le combat cesse, les blessés sont évacués, et les morts enterrés par les prisonniers, à la diable, dans des fosses communes. En effet, personne ne veut se charger de la pénible besogne de l'identification des morts : retourner les corps, fouiller les vêtements, en extraire le livret militaire qui permettrait de donner un nom à chacun des hommes. La chaleur est étouffante, le chaos règne, les prisonniers sont épuisés par les combats et le manque de sommeil. On enterre les morts à la hâte .
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À une vingtaine de kilomètres au nord, le secteur de Fresnes-Mazancourt, Miséry et Marchélepot est tenu par le 22ème Régiment de Marche de Volontaires Étrangers, qui défend lui aussi la route de Paris, au sud de Péronne. Cette unité est composée majoritairement de réfugiés espagnols républicains et d'immigrés juifs d'Europe centrale, tous très motivés par le combat anti-fasciste, et pour certains d'entre eux très aguerris. Ces régiments de volontaires étrangers étaient mal équipés, et les soldats des autres unités les appelaient par dérision les régiments ficelles. Les 5, 6 et 7 juin, le 22ème RMVE se bat pourtant avec une telle détermination, qu'il est cité à l'ordre de l'armée. "Complètement entouré par les unités blindées ennemies, violemment bombardé, tant par les avions que par l'artillerie, il résiste héroïquement pendant quarante-huit heures à toutes les attaques, réussissant pendant ce temps à conserver l'intégralité des localités qui constituaient l'ossature de la position confiée à sa garde". Les soldats pourtant épuisés refusent de se rendre, et se battent au corps à corps, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 800 hommes valides, sur environ 2 500, qui seront fait prisonniers. Certains Espagnols, apatrides, seront envoyés au camp de concentration de Mauthausen. Quant aux combattants juifs, ils sont protégés par leur statut militaire, tant qu'ils portent l'uniforme, mais ceux qui, grièvement blessés, échappent à la captivité ne seront pas, plus tard, à l'abri des rafles; et les familles des Volontaires Étrangers, seront les premières victimes des persécutions raciales. Sur la Somme, c'est la fin, le front vole en éclats, la route de Paris est ouverte et les Allemands franchissent le fleuve le 8. Le lendemain, ils atteignent la Seine et Compiègne. Dès le lundi 10 Juin, ils attaquent sur l'Aisne et enfoncent la dernière ligne de défense. |
L'effondrement du front provoque la panique
à l'arrière et précipite sur les routes du sud des millions de civils
: c'est l'exode après la débâcle. Le mercredi 12 Juin, tandis que les Allemands franchisent la Marne, Weygand donne l'ordre de
repli général, afin de ne pas compromettre le statut de ville ouverte de la capitale, et de lui épargner ainsi la destruction. Le vendredi 14 à l'aube, les Allemands investissent Paris tandis que l'armée française
se replie sur la Loire, que les Allemands atteignent le dimanche 16. Le lundi 17, Pétain demande
l'armistice et annonce qu'il faut «cesser le combat» alors que bien des unités luttent encore vaillamment et que les négociations d'armistice ne sont pas engagées. Pire qu'une imprudence, une faute qui permet à l'ennemi de faire aussitôt des centaines de milliers de prisonniers.
La bataille de France a duré cinq semaines et, pendant ces quarante-cinq jours de combats, cent cinquante mille hommes ont péri dans les deux camps, dont 92 000 soldats français, les blessés étant deux fois plus nombreux. Les pertes quotidiennes de la Wehrmacht furent supérieures à celles de la campagne de Russie, du 22 juin à décembre 1941.
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